Le problème des genres

Plus que tout autre, la vie de Guy de Maupassant semble une peau de chagrin; en dix ans seulement s'édifie toute l'oeuvre, abondante et variée : trois cents contes, cinq romans, une pléiade de nouvelles. Puis la folie et la mort emportent celui qu'on a appelé " un météore ", le préservant de cette dégradation perfide évoquée avec angoisse dans bon nombre de ses écrits. Une biographie comme écartelée oppose deux aspects authentiques: Maupassant aurait été, d'une part, le " taureau normand "   - l'image est de Paul Morand -, l'homme fort, épris de canotage, l'écrivain à succès, l'homme à femmes, reçu dans le monde, et, d'autre part le névrosé ( avec un zeste de paranoïa lors d'un procès intenté à un journal ), éthéromane, syphilitique, anxieux, fasciné par le morbide, condamné par son hérédité ( une mère étrange, un frère dément ), voué à un don juanisme pathologique et, de surcroît, suicidaire ... Faut-il voir deux périodes successives, ou bien deux veines simultanées - quoique divergentes - dans cette existence à la fois banale et maudite, partagée entre le succès et l'échec ? L'oeuvre porte la marque de toutes ces tensions, aspirations aux paradis ( naturels et artificiels ), fascination des enfers; sa limpidité est faite de " ciels brouillés " ( selon l'expression de Baudelaire, que Maupassant aimait et, à l'occasion, citait ). L'homme, lui, n'aura pu survivre à cette lutte pour laquelle il avait été bien peu préparé. Sa mère, Laure de Maupassant, l'avait élevé seule, dès le départ d'un mari frivole à qui la cité parisienne convenait mieux qu'un manoir normand. Cultivée, dépressive ( elle aurait tenté de se suicider avec sa longue chevelure ), elle lui permit de

 

Le problème

des genres

Plus que tout autre, la vie de Guy de Maupassant semble une peau de chagrin; en dix ans seulement s'édifie toute l'oeuvre, abondante et variée: trois cents contes, cinq romans, une pléiade de nouvelles.