Pierre et Jean

Est-ce renoncer à la vision personnelle de l'écrivain ?
   Maupassant répond, cultivant le paradoxe, que " les Réalistes de talent devraient plutôt s'appeler des Illusionnistes " qui dissimulent la structure de leur oeuvre et même, à l'inverse des romanciers " d'analyse pure ", " la psychologie, au lieu de l'étaler ". Tout en sachant donner l'illusion du réel, " les grands artistes sont ceux qui imposent à l'humanité leur illusion particulière ". On ne saurait rêver meilleure conciliation de l'objectif et du subjectif, plus claire définition de cet écrivain idéal auquel se réfère Maupassant, et qu'il tente d'être : un artiste réaliste.
   Le drame familial qui se déploie dans Pierre et Jean montre les remous créés au sein d'un paisible foyer par la révélation de l'adultère maternel. Le manichéisme n'est pas évité qui fait opposer deux frères ennemis; l'ainé, brun, amer, cruel, et le second, blond, doux, compatissant et partageant avec sa mère un sentimentalisme un peu fade. Si l'analyse de la rivalité fraternelle ne manque pas d'acuité, l'intrigue n'en est pas moins très simple: Pierre, jaloux de l'héritage légué à Jean par un ancien ami de ses parents, découvre l'évidente vérité : que son frère est la fruit de l'adultère. Il se torture et tourmente sa mère tandis que le cadet pardonne.
Les abîmes de la destruction sont effleurées mais le lecteur ne sombre pas vraiment et le vertige ne lui vient parfois que de l'évocation d'un décor toujours ample et si richement symbolique chez Maupassant, la mer.