Extraits

   Les Contes du Jour et de la Nuit - Rose

   Il y aura quatre ans à l'automne, je me trouvais sans femme de chambre. J'en avais essayé l'une après l'autre cinq ou six qui étaient ineptes, et je désepérais presque d'en trouver une, quand je lus, dans les petites annonces d'un journal, qu'une fille sachant coudre, broder, coiffer, cherchait une place et qu'elle fournirait les meilleurs renseignements. Elle parlait en outre anglais.
J'écrivis à l'adresse indiquée, et, le lendemain, la personne en question se présenta. Elle était assez grande, mince, un peu pâle, avec l'air très timide. Elle avait de beaux yeux noirs, un teint charmant, elle me plut tout de suite. Je lui demandait ses certificats : elle m'en donna un en anglais, car elle sortait, disait-elle, de la maison de lady Rymwell, où elle était restée dix ans.
Le certificat attestait que la jeune fille était partie de son plein gré pour rentrer en France et qu'on n'avait eu à lui reprocher, pendant son long service, qu'un peu de coquetterie française.
La tournure pudibonde de la phrase anglaise me fit même un peu sourire et j'arrêtai sur-le-champ cette femme de chambre.
Elle entra chez moi je jour même, elle se nommait Rose.
Au bout d'un mois je l'adorais.
C'était une trouvaille, une perle, un phénomène.
Elle savait coiffer avec un goût infini; elle chiffonnait les dentelles d'un chapeau mieux que les meilleures modistes et elle savait même faire les robes. J'étais stupéfaite de ses facultés.

 

Extraits

Publié dans le Gil Blas du 29 janvier 1884 sous le pseudonyme balzacien de Maufrigneuse qu'affectionnait Maupassant, et repris en 1885 dans les Contes du Jour et de la Nuit, " Rose " est l'un de ces contes à coloration libertine qu'il donnait volontiers à ce journal au ton particulièrement libre.