Extraits
Une vie ( chapitre 6 )
austères où ses illusions étaient écloses, son attente d'amour se trouvait tout de
suite accomplie.
L'homme espéré, rencontré, aimé, épousé en quelques semaines, comme on épouse en ces brusques
déterminations, l'emportait dans ses bras sans la laisser réfléchir à rien.
Mais voilà que la douce réalité des premiers jours allait devenir la réalité quotidienne qui fermait la porte
aux espoirs indéfinis, aux charmantes inquiétudes de l'inconnu. Oui, c'était fini d'attendre.
Alors plus à rien à faire, aujourd'hui, ni demain ni jamais. Elle sentait tout cela vaguement à une certaine
désillusion, à un affaissement des ses rêves.
Elle se leva et vint colelr son front aux vitres froides. Puis, après avoir regardé quelque temps le ciel où
roulaient des nuages sombres, elle se décida à sortir. Etaient-ce la même campagne, la même herbe, les mêmes
arbres qu'au mois de mai ? Qu'étaient donc devenues la gaîté ensoleillée des feuilles, et la poésie verte
du gazon où flambaient les pissenlits, où saignaient les coquelicots, où rayonnaient les marguerites, où
frétillaient, comme au bout de fils invisibles, les fantasques papillons jaunes ? Et cette griserie de l'air
chargé de vie, d'arômes, d'atomes fécondants n'existait plus.
Les avenues détrempées par les continuelles averses d'automne s'allongeaient, couvertes d'un épais tapis de
feuilles mortes, sous la maigreur grelottante des peupliers presques nus. Les branches grêles tremblaient au
vent,
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Extraits
Poème accablant d'un quotidien où la grisaille le
dispute à l'ennui et à la déperdition d'énergie, le texte fait alterner temps forts et plages de répits,
marquant ainsi les étapes d'une fuite vers la mort qu'il ne raconte pas, tant la vie est décrite comme un
anéantissement continu.
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