Extraits
Le Horla ( Version de 1887 )
Tout à coup, j'ai senti qu'il était là, et une joie folle m'a saisi. Je me suis levé lentement, et j'ai
marché à droite, à gauche, longtemps pour qu'il ne devinât rien; puis j'ai oté mes bottines et mis mes
savates avec négligence; puis j'ai fermé ma persienne de fer, et revenant à pas tranquilles vers la porte,
j'ai fermé la porte aussi à double tour. Retournant alors vers la fenêtre, je la fixai par un cadenas, dont
je mis la clef dans ma poche.
Tout à coup, je compris qu'il s'agitait autour de moi, qu'il avait peur à son tour, qu'il m'ordonnait de lui
ouvrir. Je faillis céder; je ne cédai pas, mais m'adossant à la porte, je l'entrebâillai, tout juste assez
pour passer, moi, à reculons; et comme je suis très grand ma tête touchait au linteau. J'étais sûr qu'il n'avait
pu s'échapper et je l'enfermai, tout seul, tout seul. Quelle joie ! je le tenais ! Alors, je descendis, en
courant; je pris dans mon salon, sous ma chambre, mes deux lampes et je renversai toute l'huile sur le tapis,
sur les meubles, partout; puis j'y mis le feu, et je me sauvai, après avoir bien refermé, à double tour, la
grande porte d'entrée.
Et j'allai me cacher au fond de mon jardin, dans un massif de lauriers. Commece fut long ! comme ce fut long !
Tout était noir, muet, immobile; pas un souffle d'air, pas une étoile, des montagnes de nuages qu'on ne
voyait point, mais qui pesaient sur mon âme si lourds, si lourds.
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Extraits
Victime et enquêteur, il se livre à une rétrospection imposée par la forme du journal
et centrée sur la découverte progressive et terrifiante du Horla, créant une sensation d'angoisse
qu'il s'agit de communiquer au lecteur. C'est un découverte de l'Etre, de l'Autre, qui accède à la
nomination.
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